Actif à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, l’atelier des Dionise est le plus ancien de quelque importance au sein du foyer artistique manceau. Il semble que Matthieu, dont nous ignorons les dates de la naissance et de la mort, en ait été le véritable chef de file. Son frère, Étienne, qui n’est signalé que par quelques rares mentions, est mort au Mans en 1628. Mieux documentée, la carrière de Matthieu est connue entre 1580, date qui figurait sur une statue de saint Bertrand (détruite) dans l’abbatiale de la Couture du Mans, et 1619, année de la livraison d’une Vierge à l’Enfant pour le maître-autel de Parigné-l’Évêque. D’autres travaux sont attestés dans cet intervalle : il avait apposé sa signature et la date du 5 juillet 1581 au revers d’une Vierge conservée dans l’église de Bussière-Badil, en Dordogne. En 1597, le curé de Saint-Georges-de-la-Couée lui avait commandé un groupe pour le maître-autel de son église, Saint Georges terrassant le dragon devant la princesse de Trébizonde. En 1608, l’artiste avait modelé un Saint Pierre et un Saint Barthélemy dans l’église de Parigné-l’Évêque.

D’une facture assez voisine, les deux statues de la Vierge, à Bussière-Badil et à Parigné-l’Évêque, dérivent très directement de la célèbre Vierge de la Couture. Ces caractéristiques communes permettent de rapprocher ces œuvres d’autres sculptures dans le Maine qu’il est tentant, pour cette raison, de rattacher à la production de Dionise, ainsi les statues de la Vierge à l’Enfant de Torcé-en-Vallée, de Saint-Marceau, de Vaas, de Saint-pierre-sur-Orthe (Mayenne), une Sainte Catherine à Spay, une Sainte Barbe à Tuffé et à Ballon…

Le Saint Pierre et le Saint Barthélemy de Parigné-l’Évêque suggèrent d’autres rapprochements, notamment avec un Saint Pierre et Saint Jean-Baptiste à Pruillé-l’Éguillé, un Saint Sébastien à Parigné-le-Pôlin, un autre Saint Pierre à Maigné.

La mise en scène assez complexe du groupe de saint Georges — le cavalier vole au secours de la princesse, vêtue en bergère, que menace un terrible dragon — préfigure les aptitudes théâtrales des grands groupes du siècle suivant. Mais la naïveté de son exécution et son caractère narratif relèvent encore d’un archaïsme certain. Par la suite, l’Église proscrira les représentations animale et saint Georges sera représenté de manière moins narrative, figurant debout avec armes et armure, comme à Saint-Georges-du-Plain et à Bouloire, dans des œuvres datant de la fin du XVIIe siècle. À Brette-les-Pins, la statue d’un autre cavalier, vestige d’une Charité de saint Martin dont le pauvre a disparu, manifeste beaucoup de points communs avec le Saint Georges, au point d’en suggérer également l’attribution à Dionise.

En général, les œuvres de cet artiste ne se départissent pas d’une certaine raideur, témoignant de la manière hésitante et de maladresses qui caractérisent de nombreuses sculptures mancelles du XVIe siècle. Ces faiblesses sont évidentes sur la Vierge de Parigné-l’Évêque, dont le modelé et les proportions sont très approximatifs. Le commanditaire de cette statue en était-il conscient ? Toujours est-il qu’il avait demandé à Gervais I Delabarre, le neveu du sculpteur, d’aider ce dernier à rendre “ledict image mieux faict et paint”. S’il paraît difficile de déterminer précisément la part des deux artistes dans l’exécution de cette œuvre, l’information est d’importance, car elle illustre deux aspects de l’art des sculpteurs manceaux. D’une part, elle montre que la collaboration de plusieurs artistes relève d’une pratique courante, ce que confirme souvent la documentation. D’autre part et surtout, elle révèle à l’évidence une exigence nouvelle en qualité : avec des artistes de la trempe de Delabarre, la production du foyer manceau avait en effet atteint sa pleine maturité.